Le cèdre du Point du jour

Par un beau jour de soleil, mes pieds ont pris le chemin de la balade.

Ils se sont aventurés vers le château, le parc puis la forêt.

Bien évidemment, le reste de mon corps a suivit, enthousiasmé par une virée bucolique.

Je me suis donc laissée guidée par les êtres sylvestres, les fées et les farfadets.

Je me suis perdue de croisement en carrefour, de bosquets en futaies.

Je marchais tout droit, très lentement, savourant le calme et la saveur de ce premier jour d'été.

Perdue dans ma rêverie, je ne l'ai pas vu s'approcher. Grand et majestueux, au tronc fort et élancé.

Des joggeurs le frôlaient sans un regard, des chiens passaient sous ses branches à la recherche d'un trésor. Seul un couple était assis non loin de ses pieds, faisant la tronche et en oubliant de parler.

Spectacle étrange.

Il y avait un panneau qui disait "arbre en bonne santé". Super.

Doublement étrange.

Le panneau disait aussi que l'aïeul avait été planté à l'époque de Napoléon. Depuis des siècles qu'il était là, à attendre sans broncher, on aurait pu lui témoigner un peu plus de respect.

C'est ce qu'on je lui fit part, en saluant l'écorse de son tronc. Ce n'est pas grave me répondit-il. Je fais de l'ombre, c'est déjà bien suffisant.

Je luis demandait comment il faisait pour être si humble malgré sa grandeur et sa force.

Il me conta les guerres qu'il avait vu, le sang qui avait coulé, les cris, la peur. Et puis, me dit-il encore, du haut de ma cime, j'aperçois encore le lieu du dernier wagon... et ce n'est pas de gaité de cœur. Moi je suis encore là, alors je me tient droit pour ceux qui sont partit pour une raison qui m'échappe encore.

Etrange que cette discussion, pensais-je.

Etrange que la folie des hommes me répondit-il. Pourquoi avoir déporté vos propres congénères dans des camps et les avoir traiter pire que des animaux? Pourquoi l'être humain est-il si mauvais envers son prochain?

Je me sentis toute petite. Si petite.

Une cagouille lui chatouillait les pieds. Il ne bronchait pas.

Avec bienveillance, il respecta son courage de vouloir un jour atteint son sommet.

L'escargot était déjà à au moins 30 cm du sol...

Il ira où il doit m'a-t-il dit. C'est son chemin. C'est son destin.

Lui le cèdre du point du jour était toujours debout. Malgré les horreurs du monde, les tempêtes et les parasites. Il remerciait la Terre d'être toujours là, et s'appliquait uniquement à se tenir bien droit.

Et, de temps en temps, quand le soleil picard le lui permet, de faire un peu d'ombre aux escargots...