Le canapé

Fin novembre à Paris. Quelque part entre le Printemps et les Galeries. A une heure incertaine de l'après-midi, je me balade avec un couple d'amis. Nous marchons au pas saccadé des badauds, nous slalomons entre les poussettes et les vendeurs de marrons.

La nuit tombe, les lumières s'animent. A un mois de Noël, les décorations scintillent déjà. La foule se presse le long des vitrines, s'agglomère dans les boutiques, se questionne sur le choix des cadeaux.

Peu sont ceux qui lèveront la tête pour admirer le ciel bleu. Encore plus rares sont ceux qui apercevront le bas des immeubles.

Lui au contraire les voit passer. Ces gens pressés. Même un samedi, même avec la féérie de Noël, leur rythme reste soutenu.

Lui est posé là, immobile, indicateur fixe du temps qui passe. Il porte sur son dos deux bavards sortis du rang. Deux fugitifs réfugiés dans ses coussins. Protégés des turpitudes, ils discutent. Ils échanges. Ils regardent le troupeau avancer. Leurs gestes sont lents et mesurés, tandis que nos pas sont irréguliers.

Dans leur bulle de calme, ils devisent sur la ville. Elle qui ne les voit pas. Ils parlent d'elle, ils l'analysent. Elle qui ne les entend pas.

En ce dimanche après-midi, pour quelques secondes, il est devenu le toit du monde.

Lui, le canapé posé-là.

Et vous, si vous tentiez l'expérience?